Le 20 novembre de cette année marquera la Journée mondiale de l’industrialisation de l’Afrique, célébrée chaque année par la communauté internationale depuis son lancement par les Nations unies en 1989. Ce sujet reste pertinent aujourd’hui, car le continent africain, en particulier l’Afrique subsaharienne, est resté en marge de l’industrie mondiale jusqu’à présent.
Toutefois, les récentes évolutions structurelles de cette dernière présentent actuellement une occasion historique de stimuler l’industrialisation africaine, comme indiqué dans l’étude « Quelles perspectives d’industrialisation tardive pour l’Afrique subsaharienne » récemment publiée par l’Agence française de développement (AFD) – à condition d’être capable de la saisir.
L’étude se concentre principalement sur l’industrie légère, qui fabrique des biens de consommation et nécessite une faible utilisation de capital. En conséquence, cette industrie a toujours cherché à avoir une main-d’œuvre abondante et des salaires bas, favorisant ainsi le déplacement mondial régulier de ses productions vers des territoires plus attractifs pour y créer des emplois, souvent nombreux.
En général, ces activités industrielles mobiles ont été la première étape du processus d’industrialisation dans les pays d’accueil, en particulier en Asie de l’Est. Dans cette optique, la dernière étape importante a été la création de l’« atelier du monde » chinois, dont les parts de marché ont atteint des niveaux remarquables.
à la fin des années 1970, lorsque la Chine a commencé à s’ouvrir au monde extérieur après des décennies d’isolement. Cette période a été caractérisée par des réformes économiques et politiques qui ont transformé le pays en une puissance économique mondiale en croissance rapide. Depuis lors, la Chine est devenue un acteur clé dans les affaires internationales, avec une influence croissante sur la politique, l’économie et la culture à travers le monde.
La Chine a réussi à se hisser au sommet du marché mondial des industries de main-d’œuvre, à l’instar du Japon et des « dragons » asiatiques. Les salaires ont augmenté, les investissements ont été orientés vers des activités à forte valeur ajoutée et les parts de marché de la Chine dans l’industrie légère ont commencé à baisser.
Les activités intenses de travail ont été le début de « l’après-Chine », ouvrant déjà des marchés aux pays asiatiques plus pauvres. La filière habillement semble être particulièrement affectée, ainsi que d’autres industries nécessitant de la main-d’œuvre, telles que les chaussures, le cuir, les meubles, etc.
En matière de démographie, le XXIe siècle sera celui de l’Afrique en parallèle. Alors que l’Asie a connu deux tiers de l’augmentation de la population active mondiale depuis 60 ans, les prochains actifs viendront principalement d’Afrique au cours des prochaines décennies. D’ici 2050, la population active de l’Afrique subsaharienne augmentera de 700 millions de personnes, ce qui signifie que plus de 20 millions de nouveaux emplois seront créés chaque année!
Le ralentissement de la Chine dans les industries qui nécessitent de la main-d’œuvre constitue une opportunité pour d’autres pays en développement. Cependant, le nombre de bénéficiaires de cette ouverture est pour l’instant restreint. La majorité du potentiel offert par le déclin chinois dans ces secteurs est actuellement exploité par quelques exportateurs asiatiques, tels que le Bangladesh, le Vietnam et le Cambodge.
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Si, dans un premier temps, les producteurs locaux prendront une partie des parts d’exportation de la Chine, leur taille est cependant moindre et leurs capacités d’absorption sont restreintes. Ces pays atteindront également un seuil de saturation, marqué par des augmentations de salaire, une baisse de leur compétitivité et de leurs parts de marché. Incapables de combler le vide laissé par la diminution des exportations chinoises, ils offriront alors des opportunités aux nouveaux exportateurs.
30 millions d’emplois qui peuvent être déplacés sont prévus d’ici 2030.
Au cours de cette étape suivante, vers la fin de cette décennie, les exportations et les emplois seront transférés vers une nouvelle génération de producteurs. Selon notre étude, dans un scénario moyen, jusqu’à 16 millions d’emplois formels et autant d’emplois informels pourraient être concernés d’ici à 2030, la majorité d’entre eux dans les domaines du textile, de l’habillement et du cuir, ce qui représente plus de 30 millions d’emplois cumulés.
Cependant, dans cette perspective, aucun pays de l’Asie de l’Est, du Bangladesh, de l’Afrique du Nord ou même d’Amérique latine ne pourra remplacer les fournisseurs actuels. Les changements technologiques et les perspectives d’automatisation ne remettront pas en cause l’utilisation intensive de la main-d’œuvre dans la production de vêtements, de chaussures ou d’articles en cuir.
La transition vers une économie à faible émission de carbone (avec des mesures telles que la relocalisation ou la taxation carbone) n’aura que peu d’impact sur la localisation prévue de ces activités d’ici 2030. Il n’y aura pas de relocalisation notable vers le nord. En effet, la main-d’œuvre nécessaire pour produire restera élevée et ne permettra pas de produire massivement dans des pays avec des salaires élevés ou intermédiaires.
Les secteurs bénéficiant d’avantages comparatifs se trouveront en Inde ou en Afrique subsaharienne. Bien que l’Inde soit un important producteur dans l’industrie de l’habillement, avec plus de 50 millions d’emplois, le pays a une part modeste dans les exportations mondiales. Ses productions sont destinées au marché intérieur et sa compétitivité internationale est faible.
Bien sûr, ces possibilités nouvelles ne sont pas susceptibles de transformer l’Afrique subsaharienne en un géant industriel ni de résoudre le défi de l’emploi sur le sous-continent. Toutefois, elles ouvrent bel et bien la possibilité de doubler l’emploi industriel existant.
Il est possible de créer de 10 à 30 millions d’emplois dans les industries d’exportation en Afrique d’ici 2030. Cependant, il est difficile de déterminer quels pays seront concernés. À ce stade, il est impossible de tirer des conclusions quant à la situation continentale. Si ces emplois mobiles se dirigent vers l’Afrique, ils se concentreront probablement dans quelques pays qui seront plus attractifs et compétitifs que les autres.
Le défi principal sera de maintenir une compétitivité en dehors des usines. Pour cela, il sera essentiel d’avoir des incitations crédibles et des infrastructures de qualité, c’est-à-dire des politiques publiques bien élaborées.